Ils ne portent ni cape ni masque de super héros. Pourtant, par leur courage et leur intégrité, les lanceurs d’alerte défendent l’intérêt général en dénonçant au péril de leur carrière, les agissements néfastes et secrets de grandes organisations. Malgré tout, leur apport crucial à la société et leur bravoure restent trop souvent dans l’ombre, faute de protection suffisante face aux risques encourus. Découvrez le rôle vital et ô combien périlleux du lanceur d’alerte dans nos démocraties contemporaines.
Sommaire
- 1 Qui sont les lanceurs d’alerte ?
- 2 Pourquoi est-ce si risqué d’être lanceur d’alerte ?
- 3 La protection juridique des lanceurs d’alerte : des avancées encore insuffisantes
- 4 Comment encourager le signalement interne ?
- 5 Le rôle indispensable des lanceurs d’alerte
- 6 Une évolution culturelle et juridique en marche
- 7 Risques et dérives possibles
Qui sont les lanceurs d’alerte ?
Un lanceur d’alerte est un employé qui signale des actes répréhensibles au sein de son entreprise via des dispositifs comme Trustbox. Il peut s’agir d’actes comme :
- la corruption ;
- la fraude ;
- le non-respect des normes ;
- les dangers pour la santé ou l’environnement.
Souvent, ces employés ont accès à des informations confidentielles dans le cadre de leur travail. Bien qu’ils prennent un risque personnel important, les lanceurs d’alerte le font par sens moral et souci du bien commun.
De nombreux scandales et affaires retentissantes ont été révélés grâce à des lanceurs d’alerte. On peut citer l’affaire Enron aux États-Unis ou le scandale LuxLeaks concernant l’évasion fiscale de multinationales. Sans leur action courageuse, ces pratiques contraires à l’éthique se seraient probablement prolongées, au détriment de la société. Certains lanceurs d’alerte sont même devenus de véritables icônes, symboles de la lutte contre les excès du pouvoir ou les dérives éthiques de grandes entreprises.
C’est le cas par exemple de Chelsea Manning, à l’origine des révélations WikiLeaks, ou encore de Hervé Falciani, ex-informaticien de la banque HSBC qui a fourni des listes de fraudeurs fiscaux à différents gouvernements européens.
On distingue deux types principaux de lanceurs d’alerte : ceux qui signalent des dysfonctionnements en interne, par exemple à leur hiérarchie ou service de conformité ; et ceux qui s’adressent à des institutions extérieures voire aux médias. Ces derniers prennent davantage de risques, mais permettent souvent de provoquer un vrai séisme médiatique et judiciaire.
Pourquoi est-ce si risqué d’être lanceur d’alerte ?
Être lanceur d’alerte comporte des risques personnels et professionnels importants. La personne peut faire face à de lourdes pressions de la part de sa hiérarchie pour retirer ses allégations. Elle risque des sanctions disciplinaires, une mise au placard voire un licenciement abusif. Son action peut également entrainer des poursuites judiciaires pour diffamation ou violation du secret professionnel.
De plus, dénoncer des actes illégaux de son employeur nécessite un courage et une intégrité hors du commun. Le lanceur d’alerte peut subir l’hostilité de ses collègues et une forme d’omerta de la part de sa direction. Sa réputation et ses perspectives de carrière dans le secteur d’activité peuvent être sérieusement compromises.
Certains lanceurs d’alerte comme Edward Snowden ont même dû s’exiler à l’étranger et demander l’asile politique pour échapper à de lourdes sanctions judiciaires dans leur pays. D’autres ont vu leur santé mentale gravement affectée par le harcèlement moral et la pression psychologique vécus au sein de leur entreprise.
Les représailles peuvent également toucher l’entourage familial et social du lanceur d’alerte. Conjoint et enfants sont parfois victimes de discrimination dans leur environnement. Cet effet collatéral dissuade de nombreuses personnes bien informées de franchir le pas et de dévoiler des agissements répréhensibles.
La protection juridique des lanceurs d’alerte : des avancées encore insuffisantes
Les lanceurs d’alerte prennent d’énormes risques personnels et professionnels lorsqu’ils dénoncent des agissements répréhensibles. Certains pays ont mis en place un statut pour les protéger, mais celui-ci reste encore lacunaire et mérite d’être renforcé.
Des lois pionnières aux États-Unis, mais des failles persistantes
Des lois fédérales américaines récompensent financièrement les lanceurs d’alerte dont les révélations permettent à l’État de récupérer des fonds détournés. Ce statut avantageux vise à les encourager dans leur démarche. Néanmoins, ces lois ne s’appliquent pas dans le secteur privé, où la majorité des lanceurs d’alerte officient. Or, les risques de représailles y sont également très élevés.
Des garanties juridiques encore limitées en France
En France, la loi Sapin 2 de 2016 prévoit des mesures de protection comme la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte ou l’interdiction des représailles professionnelles. Mais elle comporte des zones grises comme l’obligation de passer d’abord par un signalement interne. Surtout, son application concrète se heurte souvent à la mauvaise volonté des entreprises visées par les révélations.
Vers la création d’un statut de « collaborateur justice » ?
Certains spécialistes préconisent la mise en place d’un statut de « collaborateur justice » sur le modèle des repentis. Les lanceurs d’alerte bénéficieraient ainsi d’une immunité pénale en échange d’informations essentielles transmises aux enquêteurs et magistrats.
Ils pourraient être partie civile aux procès visant les entreprises incriminées. En contrepartie, leur identité et leur sécurité personnelle devraient être solidement protégées.
Comment encourager le signalement interne ?
Les entreprises ont également tout intérêt à mettre en place des procédures internes sûres pour permettre le signalement d’actes répréhensibles en toute confidentialité. Elles éviteront ainsi une exposition médiatique négative en cas de scandale public. Des systèmes d’alerte professionnelle garantissent l’anonymat du lanceur d’alerte vis-à-vis de la hiérarchie. Ils permettent de traiter en interne ces signalements sensibles, dans le respect des droits des personnes incriminées.
Une politique de transparence, associée à une communication sur l’importance éthique du signalement de tout acte contraire à la déontologie, peut encourager cette pratique. Les lanceurs d’alerte internes seront ainsi considérés comme contribuant au bien commun de l’organisation. La mise en place de formations et campagnes de sensibilisation en interne est également un moyen de promouvoir la prise de parole face à des agissements douteux. Les collaborateurs seront plus enclins à franchir le pas s’ils se sentent soutenus et reconnus.
Certains grands groupes proposent même désormais des cellules d’écoute externes, gérées par un prestataire indépendant, pour recueillir les signalements de façon anonyme et en toute neutralité.
Le rôle indispensable des lanceurs d’alerte
Les scandales à répétition impliquant de grands groupes dans des affaires de corruption massive, de fraude fiscale, de mise en danger délibérée de la santé publique ou encore d’atteintes graves à l’environnement démontrent l’importance capitale des lanceurs d’alerte. Sans le courage et l’intégrité dont ont fait preuve ces femmes et ces hommes pour révéler ces agissements au grand jour et aux autorités, de telles pratiques contraires à toute éthique auraient pu perdurer encore longtemps dans l’ombre.
On peut citer l’affaire Dieselgate chez Volkswagen, où des ingénieurs ont dénoncé l’installation volontaire de logiciels truquant les tests d’émission polluante. Ou encore les Football Leaks qui ont mis au jour un système tentaculaire d’évasion fiscale dans le milieu du football professionnel.
Dans tous ces cas, les lanceurs d’alerte ont fait primer la défense de l’intérêt général et la recherche de vérité sur leur intérêt privé ou la protection de leur employeur, souvent au prix de lourds sacrifices personnels et professionnels. Ils jouent ce faisant un rôle essentiel de contre-pouvoir et de garde-fou démocratique face aux dérives du monde économique. Encourager et protéger leur action apparaît aujourd’hui primordial pour assainir en profondeur les pratiques de certaines multinationales et certains secteurs d’activité trop longtemps livrés à eux-mêmes.
Les lanceurs d’alerte méritent amplement d’être reconnus comme de véritables sentinelles courageuses de nos sociétés contemporaines. Leur action va bien souvent dans le sens de l’intérêt collectif.
Une évolution culturelle et juridique en marche
Une véritable évolution culturelle autour du signalement d’actes répréhensibles en entreprise s’opère donc progressivement. Bien qu’encore insuffisamment soutenus, les lanceurs d’alerte gagnent en légitimité dans une société en quête d’une plus grande transparence et intégrité. Les mentalités au sein des organisations évoluent également, avec une meilleure acceptation des remises en question internes. La prise de parole face à des dysfonctionnements n’est plus systématiquement perçue comme une menace, mais plutôt comme une aide à l’amélioration continue.
Sur le plan juridique, le nombre croissant de législations protectrices des lanceurs d’alerte consolide leur statut. Aux États-Unis, plusieurs projets de lois fédérales ambitieux sont en discussion au Congrès. Ils prévoiraient des sanctions financières encore plus lourdes pour les entreprises qui chercheraient à réduire au silence des lanceurs d’alerte en interne. Certains spécialistes prédisent que les dix prochaines années verront une multiplication par cinq du nombre de lanceurs d’alertes dans les grandes organisations. Ce phénomène traduit un changement sociétal global en faveur d’une responsabilisation éthique accrue des acteurs économiques.
Risques et dérives possibles
Certains points de vigilance subsistent cependant pour éviter les dérives et mésusages liés aux lanceurs d’alerte. La tentation est grande pour certains de se livrer à du chantage ou à des accusations mensongères dans le but de nuire à leur hiérarchie.
Le risque de « fuites » d’informations sensibles, voire de secrets industriels, à des fins personnelles ou concurrentielles doit également être pris au sérieux. Les entreprises doivent se prémunir contre ces agissements malveillants qui discréditent l’action désintéressée des vrais lanceurs d’alerte. La prolifération des canaux de signalements (hotlines, sites internet…) peut aussi engendrer une forme de paranoïa au sein des collectifs de travail. La confiance et la cohésion des équipes peuvent s’en trouver affectées si tous les collaborateurs se sentent potentiellement espionnés.
L’accompagnement psychologique des lanceurs d’alerte doit enfin être renforcé, pour éviter les phénomènes de rupture ou de trauma qui peuvent survenir chez certains. Leur protection ne doit pas uniquement être juridique et professionnelle, mais aussi sociale et médicale face à un acte qui reste hors norme.